24 janvier 2018

Les géants de la techno tentent de redorer leur blason

Les géants de la techno tentent de redorer leur blason

Propagation de fausses informations, exploitation des données personnelles, craintes autour de l'intelligence artificielle... Les géants de la techno tentent de redorer leur blason à Davos, quitte à réclamer plus de régulation, une démarche bien inhabituelle de leur part.

De la présidente d'IBM, Ginni Rometty, admettant que « 100% des emplois seront affectés d'une manière ou d'une autre par la technologie » jusqu'au nouveau patron d'Uber, tous reconnaissent qu'après des années d'engouement sans faille, il s'agit maintenant de faire face à un retour de bâton, le « tech backlash ».

« Les gens veulent bien faire confiance à la technologie, à condition de savoir qui se cache derrière  », veut savoir Neelie Kroes, aujourd'hui membre de l'Institut de Open Data, après avoir été pendant des années la Commissaire européenne en charge des questions numériques.

Uber et tueurs en série
Ces derniers mois le poids lourd américain Uber, qui met en relation particuliers et chauffeurs privés dans le monde entier via une application, s'est retrouvé sur la sellette après plusieurs meurtres perpétrés par certains de ses chauffeurs, début 2016 aux États-Unis mais aussi fin 2017 au Liban.

Il faut se rappeler que la notation (d'un chauffeur) évalue sa manière de conduire mais ne peut pas prédire s'il s'agit d'un assassin en série.

Dara Khosrowshahi, Directeur d'Uber

« Dans cette situation, qui est responsable, l'individu ou la plateforme? » s'interroge pourtant Rachel Botsman, une experte de la question et auteur du livre À qui pouvons-nous faire confiance?.

Uber est l'exemple-type d'une entreprise à la croissance fulgurante et à la réputation très cabossée: critiques sur les conditions de travail des chauffeurs, procédures judiciaires en pagaille, harcèlement sexuel et piratage massif de données...

« Pendant longtemps, la réponse de nombreuses entreprises numériques a été de dire: nous ne sommes que le logiciel, que la plateforme. Mais la technologie pénètre désormais tous les aspects de nos vies, nos métiers, nos maisons, nos relations, même nos corps. Cette réponse n'est plus audible », a dit Zvika Krieger, qui pilote des projets numériques pour la société organisant le Forum économique de Davos (WEF).

On s'inquiète aussi beaucoup à Davos de l'accumulation par les géants d'internet de gigantesques masses de données personnelles.

Lenteur
« Le danger est que nous soyons trop lents et que le monde nous écrase alors que nous en sommes encore à nous demander doctement à qui appartiennent nos données », a par exemple dit à Davos la chancelière allemande, Angela Merkel.

De la même façon, le regard porté sur les réseaux sociaux et les moteurs de recherche évolue.

« La question principale est de savoir si Facebook et Google sont des compagnies technologiques ou des entreprises éditoriales, c'est une question qui reste en suspens », estime Martin Sorrell, directeur financier du géant britannique de la publicité WPP.

Mais c'est sans doute l'intelligence artificielle et la capacité des machines à interagir avec l'être humain qui suscite les plus grandes suspicions.

Les utilisateurs du site Amazon ayant opté pour l'assistance vocale Alexa ont ainsi remarqué que ses recommandations en matière de restaurant ou de sortie culturelle n'étaient pas dénuées d'arrière-pensées commerciales.

Sans compter les inquiétudes sociales : «L'intelligence artificielle et les robots vont tuer beaucoup d'emplois», a prédit à Davos Jack Ma, le PDG du géant chinois de la vente en ligne, Alibaba.

« La technologie devrait toujours donner aux gens de nouvelles possibilités, et pas leur en enlever », a-t-il dit.

Dans ce climat de défiance, on a ainsi entendu à Davos des discours très inhabituels de la part des grands noms du numérique, ainsi quand le patron de la société de services de « cloud » Salesforce, Marc Benioff, s'est mis à réclamer plus de « régulation » du secteur.

« Cela fait des années que les autorités de régulation en Europe se plaignent que les grandes entreprises du numérique ne répondent pas quand on les appelle. Disons que désormais, elles décrochent le téléphone », dit Zvika Krieger, du WEF.


Source : La presse
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